1 décembre 2025

Temps de lecture : 5 min

Fabien Saguez : “Milan-Cortina sera un produit d’appel pour 2030”

À l’aube de Milan-Cortina 2026 puis des Jeux des Alpes 2030, le président de la FF Ski détaille les priorités sportives, marketing et environnementales.

Interview. La Fédération Française de Ski aborde une période décisive. À quelques mois des Jeux de Milan-Cortina 2026 et alors que la France se prépare déjà pour ceux des Alpes 2030, la discipline se trouve au cœur d’enjeux sportifs, environnementaux et médiatiques majeurs. Entre recherche de performances, transformation des usages et nécessité d’incarner une pratique plus responsable, le ski doit affirmer sa place dans un paysage sportif en pleine mutation.

Fabien Saguez, président de l’instance sportive, détaille les priorités de la fédération : préparation olympique, engagement auprès des jeunes générations, visibilité audiovisuelle, transition RSO ou encore évolution des modèles marketing. Il revient également sur son rôle au sein des instances internationales et sur les leviers qui permettront à la France de défendre son influence et ses ambitions à l’approche de 2030.

Quels sont les enjeux pour votre fédération lors d’une saison olympique ?

Fabien Saguez : « Les enjeux sont d’abord sportifs. L’ADN d’une fédération olympique, c’est de montrer que la discipline possède des athlètes emblématiques et peut atteindre un haut niveau de performance. Les Jeux structurent quatre années de travail. Ils permettent aussi de démontrer à l’écosystème montagnard que la Fédération Française de Ski sait bâtir des programmes performants, dispose d’une légitimité technique et peut offrir une visibilité accrue à son sport. Cette fenêtre olympique est déterminante. Les Jeux de Milan-Cortina auront une importance particulière : ils préfigurent ceux des Alpes françaises en 2030. L’impact ne sera pas le même. 2026 sera un vrai produit d’appel pour 2030, notamment sur le volet marketing. »

Vous comptez un peu moins de 100 000 licenciés, pour plus de 8 millions de pratiquants. Ce public est-il une cible ?

F.S. : « Pas forcément. Nos 100 000 licenciés se répartissent en deux blocs : une filière d’accès au haut niveau, tournée vers la compétition, et des clubs davantage orientés sport-loisirs. Nous en avons dans tous les bassins de population, même sans massifs à proximité. Ces clubs développent la pratique, et nous travaillons beaucoup sur ce secteur. »

Ciblez-vous les jeunes adultes, au-delà des enfants qui composent une grande part des licenciés ?

F.S. : « Oui. Nous avons lancé un programme appelé U35, réunissant 35 jeunes de moins de 35 ans auxquels nous avons demandé de contribuer à la stratégie fédérale autour des générations Y et Z. »

Ces générations se sont-elles détournées de la montagne ?

F.S. : « Je ne pense pas qu’elles se soient détournées du ski. Elles ont surtout changé leurs modes de consommation et de communication. Leurs usages ne sont plus ceux d’il y a dix ans. Nous devons franchir ce cap et aller vers une pratique encadrée mais moins permanente. Pour les toucher, il faut utiliser de nouveaux outils digitaux. »

L’image du ski pâtit-elle des enjeux environnementaux ?

F.S. : « Nous avons adopté il y a deux ans une stratégie RSO, avec un référent ayant travaillé pour Paris 2024. Une feuille de route claire, compréhensible, non répressive. Nous développons des outils à destination des clubs et des licenciés, et collectons de nombreuses données pour mieux comprendre leur manière de consommer la montagne. Ces outils servent aussi aux partenariats et aux comités, notamment pour accompagner les clubs en zone montagnarde. Des conventions peuvent être signées avec des associations reconnues, notamment sur les déplacements ou le recyclage du matériel. Nous voulons rendre simple l’établissement d’un bilan carbone, avec des solutions pédagogiques. Nous encourageons des actions très concrètes : train, covoiturage, transports en commun… »

Sur ce point, votre fédération doit-elle être plus exemplaire que d’autres ?

F.S. : « Oui. Nous sommes davantage observés et avons l’obligation d’être exemplaires. La FF Ski joue un rôle central dans l’écosystème montagnard. Nous devons proposer des actions mesurables et impactantes. »

Le ski est-il suffisamment visible dans les médias ?

F.S. : « Oui. Le ski alpin et les disciplines olympiques bénéficient d’une vraie exposition. Beaucoup de sports, même olympiques, n’en ont pas. La Coupe du monde est visible de novembre à avril, chaque week-end. Nous travaillons avec Infront, mais aussi avec l’Eurovision pour le biathlon. Le biathlon est bien exposé sur la Chaîne L’Équipe, le ski alpin sur Eurosport. La chaîne diffuse aussi l’ensemble des sports blancs. En revanche, les sports les plus exposés en France, comme le football ou le rugby, et les grands événements tels le Tourd e France ou Roland-Garros, le sont sur TF1 et France Télévisions, qui touchent une audience très large. Pour élargir notre public, une présence accrue sur France Télévisions serait importante. »

Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?

F.S. : « Un peu quand même. Nous échangeons avec eux et collaborons déjà. Nous allons regarder comment mieux structurer cette relation pour la période 2026-2030, avec en ligne de mire les Jeux de 2030. »

Votre modèle marketing historique, organisé en pools de sponsors, peut-il évoluer ?

F.S. : « Le pool des fabricants n’est pas un pool marketing. Il regroupe les équipementiers “hard” et “soft” qui fournissent le matériel aux athlètes des équipes de France. C’est une association indépendante avec ses propres règles, dont la Fédération fait partie. Une marque non adhérente ne peut pas équiper un athlète. Nos sept disciplines olympiques sont concernées. Ce modèle fonctionne très bien, crée de la proximité et représente plusieurs millions d’euros en dotations et en financements. C’est un système exemplaire. »

En dehors du pool, comment développer vos ressources marketing ?

F.S. : « Nous avons lancé le programme Excellence 2030 pour accompagner nos athlètes sur toutes nos disciplines. Ce projet est très bien accueilli par nos partenaires, publics comme privés. Parallèlement, nous travaillons avec Sportfive sur la nouvelle stratégie marketing des équipes de France de ski. Nous arrivons à la phase finale. »

Peut-on attendre des innovations commerciales ?

F.S. : « Difficile d’en parler avant la présentation. Ce sera dévoilé cet hiver pour une mise en œuvre au printemps prochain. Les offres seront différentes de ce que nous avons toujours fait. »

Votre nouveau siège à Annecy peut-il générer de nouvelles ressources ?

F.S. : « Ce serait exagéré d’en faire une source de revenus. Mais c’est un outil de travail formidable pour nos 35 à 40 collaborateurs. Il offre un cadre totalement adapté, bien plus moderne que le précédent bâtiment. C’est aussi une question d’image. Nous pouvons accueillir clubs, comités, fédérations internationales et entreprises régionales, avec des salles équipées en son, vidéo, lumière. Ce siège favorise le dialogue entre acteurs économiques et sportifs. »

Votre mandat se termine en 2026. Serez-vous candidat ?

F.S. : « L’élection devrait se tenir fin juin. Ce n’est pas encore d’actualité. Il reste beaucoup à faire d’ici la fin de saison. Le bon moment pour décider sera après les Jeux olympiques. »

Vous siégez désormais au sein de la FIS et de l’IBU. Pourquoi est-ce important ?

F.S. : « Je suis membre du Conseil de la FIS (Fédération Internationale de Ski) et du comité directeur de l’IBU (International Biathlon Union). Ce sont les organes exécutifs de nos deux fédérations internationales. C’est essentiel pour la Fédération Française de Ski d’être présente à ce niveau. Nous sommes au cœur des dossiers, nous pouvons influencer des décisions et porter notre stratégie internationale. La France doit être représentée et peser dans ces instances. »

Entretien : Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club – Décembre 2025

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