Cette matinée du jeudi 30 janvier 2025 matin a été un test crucial pour les sept candidats à la présidence du Comité International olympique. Face à la centaine de membres de l’instance suprême du sport mondial, ils ont à tour de rôle avancé leurs arguments pour succéder en mars prochain à l’Allemand Thomas Bach. L’heure n’était pas à détailler les programmes mais à démontrer son envergure pour ce poste si particulier, aux confins de la diplomatie et de la direction d’entreprise.
Traité partout comme un chef d’État, le patron mondial du mouvement olympique ne supervise pas seulement l’organisation des Jeux : il représente “le sport dans son ensemble, donc la façon dont il s’exprime est assez essentielle”, décrypte auprès de l’AFP Jean-Christophe Rolland, élu au CIO depuis 2017 et patron de la Fédération internationale d’aviron.
« Il me semble que c’est avant tout une question de leadership: par la vision, l’unité qu’on est capable d’amener, le dialogue, le respect de la diversité, de l’autonomie du mouvement sportif et aussi par sa neutralité politique, qui est absolument fondamentale,» a plaidé face aux journalistes le Français David Lappartient, un des sept prétendants.
Des points de divergence
Le patron de l’Union Cycliste Internationale et du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) s’est jeté avec ses six rivaux dans la bataille la plus ouverte de l’histoire de l’olympisme. Elle sera tranchée le 20 mars à Costa Navarino, en Grèce, lors d’un vote durant la 144e session. David Lappartient et six autres candidats doivent séduire une assemblée hétéroclite. Celle-ci mêle anciens champions, têtes couronnées et personnalités de l’industrie et de l’administration sportive, aux sensibilités culturelles variées.
Si les candidats se rejoignent tous sur les enjeux, c’est-à-dire sécuriser les revenus olympiques face à l’offre foisonnante de divertissements, intégrer l’impact du réchauffement climatique et de l’intelligence artificielle…, ils présentent aussi des stratégies bien distinctes.
L’ex-nageuse zimbabwéenne Kirsty Coventry, septuple médaillée olympique et une des favorites pour le poste, s’est délibérément gardée de toute proposition concrète. Lundi 27 janvier, elle expliquait lors d’une table ronde vouloir “marquer une pause” et convier les membres “à une sorte de retraite” pour élaborer une feuille de route collective.
À l’inverse, le Japonais Morinari Watanabe pousse crânement l’idée la plus radicale : éclater les Jeux d’été dans cinq villes situées sur chaque continent, avec une diffusion continue en streaming, afin de multiplier les retombées locales. L’Espagnol Juan Antonio Samaranch Jr, fils de l’emblématique président du CIO de 1980 à 2001, met lui en avant ses 25 ans au sein de l’organisation olympique, affichant une “expérience” sans égale de son fonctionnement complexe et des défis économiques qui la guettent.
David Lappartient prudent
Frère du roi de Jordanie Abdallah II, le Prince Feisal Al-Hussein, que certains voient décrocher la présidence, insiste pour sa part sur “le pouvoir unificateur du sport au service de la paix” ainsi que sur les questions de genre et de protection contre les abus, dans lesquelles il s’est spécialisé.
Membre du CIO depuis 2022 seulement, David Lappartient se montre lui d’une prudence digne de Thomas Bach. Le Breton embrasse tous les sujets tout en esquivant les positions tranchées. Il juge notamment “prématuré” de décider d’une participation des athlètes russes aux Jeux de 2026 à Milan-Cortina, tout en estimant qu’aucun pays “n’a vocation à être indéfiniment suspendu”. Le dirigeant de Français de 51 ans pousse en revanche nettement pour des Jeux olympiques en Afrique, qui “les mérite” et ne les a jamais accueillis, à l’image des premiers Mondiaux de cyclisme accordés par l’UCI au Rwanda en septembre prochain.
Respectivement patrons de « World Athletics » et de la Fédération internationale de ski, le Britannique Sebastian Coe et le Suédo-Britannique Johan Eliasch ont eux maintenu une exclusion pure et simple des athlètes russes par leurs instances, même sous bannière neutre. Avec son aura de double champion olympique du 1.500 m mais un âge (68 ans) qui ne lui permettrait pas a priori d’aller au bout d’un mandat, Coe se fixe plutôt comme objectif géopolitique “d’atteindre des marchés inexploités à fort potentiel, en particulier en Afrique et en Asie”.
Un signal important alors que la prochaine grande décision de l’instance sera d’attribuer les JO d’été de 2036, pour lesquels l’Inde, l’Afrique du Sud et l’Indonésie sont candidates, avec le Qatar et l’Arabie Saoudite en embuscade. (Avec AFP)
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