Matches à guichets fermés, ambiance populaire et viralité sur les réseaux sociaux : en Chine, un championnat amateur de football fait sensation cet été. Lancé en 2025 dans la province du Jiangsu (est), il attire des dizaines de milliers de spectateurs dans les stades et des millions en ligne. Une performance inattendue dans un pays où le football professionnel est miné par les scandales et la médiocrité de l’équipe nationale.
À Suzhou (Jiangsu), grande ville industrielle proche de Shanghai, l’un de ces matches s’est joué devant 40 000 personnes. Les tribunes étaient pleines à craquer, tandis que des écrans géants diffusaient la rencontre dans plusieurs quartiers. Dès la deuxième minute, un but contre Yangzhou, ville voisine, a mis le feu au stade. Le public, vêtu de T-shirts rouges aux couleurs de Suzhou, s’époumonait malgré la chaleur écrasante.
« Même si tout le monde ne comprend pas les règles du jeu, l’ambiance est géniale,» raconte Qian Chunyan, 35 ans, venue encourager son équipe. Dans cette compétition où s’affrontent les villes de la province, les supporters retrouvent une forme d’appartenance locale. La rivalité entre territoires donne un supplément d’âme à ces rencontres, retransmises en direct sur les réseaux sociaux.
La Chine frustrée en football
Le succès de ce championnat va bien au-delà du terrain. Il ravive l’intérêt pour le ballon rond dans un pays où la sélection nationale est devenue une source de frustration. La Chine, qui n’a disputé qu’un seul Mondial en 2002, occupe aujourd’hui la 94ᵉ place au classement FIFA. Les scandales de matches truqués et les affaires de corruption ont éloigné le public du football professionnel.
Ce retour à un football “pur” séduit. Les sponsors locaux – restaurants, garages, commerçants – ont été rejoints par de grands groupes comme Alibaba et JD.com. Mais l’essentiel est ailleurs. « C’est un football sans stars, sans millions. On joue pour sa ville, pour le plaisir. C’est ça qui plaît, explique Wang Xiangshuo, fidèle de l’équipe de Suzhou. Gagner ou perdre, ce n’est pas ce qui compte. C’est l’authenticité. »
Les équipes sont composées de profils variés : lycéens, artisans, employés, voire fonctionnaires du Parti communiste. Pour Jin Shan, chercheur à l’Académie des sciences sociales de Pékin, ce modèle est précieux. « Il permet à chaque communauté d’avoir une équipe à soutenir. Cela rapproche le football du quotidien des gens, dans un pays où le tissu de clubs est peu développé. »
Un impact économique important
Ce succès populaire a aussi un impact économique. Selon la chaîne CGTN, les dépenses touristiques ont progressé de plus de 14 % dans six villes du Jiangsu depuis le lancement du championnat en mai. À Nantong, Chen Tianshu, fabricante de souvenirs, surfe sur cette dynamique. Elle a lancé des glaces à l’effigie des monuments locaux et des badges aux couleurs des équipes. « La première série de 1 000 glaces est déjà presque écoulée,» se réjouit-elle.
Les villes voient dans cet engouement une opportunité unique. « Grâce à notre équipe, Nantong vit un moment de fierté rare,» explique Chen Tianshu. La province du Jiangxi (sud) a d’ailleurs lancé sa propre compétition en juillet. Un phénomène de viralité est à l’œuvre, comme en 2023 à Zibo (nord), devenue une destination touristique grâce à des vidéos vantant ses brochettes grillées.
Cette popularité soudaine du foot amateur, portée par les réseaux sociaux, témoigne de la soif de sport sincère, accessible et festif. Pour Chen Tianshu, c’est plus qu’une mode passagère. « C’est une belle surprise. J’espère que cela va devenir une tradition,» conclut-elle avec le sourire. (Avec AFP)
© SportBusiness.Club – Août 2025