2 mars 2024

Temps de lecture : 5 min

Aux Etats-Unis, les bienfaits marketing de calendriers sportifs optimisés

A l’Allegiant Stadium de Las Vegas les derniers confettis du Super Bowl viennent à peine d’être balayés. Dimanche 11 février 2024, la saison de foot US, de la NFL (National Football League) s’est conclue en apothéose par la victoire de Kansas City devant plus de 200 millions de téléspectateurs dans le monde. Et déjà, les Américains passent à autre chose. Dix jours après, mercredi 21 février, c’est la MLS (Major League soccer) qui a débuté sa saison. Pour le baseball ce sera fin mars. Outre-Atlantique les championnats se succèdent quasiment sans pause. Les ligues professionnelles enchaînent leurs compétitions, les unes après les autres.

« Chaque ligue choisit indépendamment quand elle souhaite jouer, explique Daniel Rascher, professeur d’économie du sport à l’Université de San Francisco (États-Unis). Elles ne se coordonnent pas, mais il est naturel d’imaginer que chacune souhaite trouver un équilibre entre deux problématiques : la météo et les compétitions des autres ligues ». En fait, si arrangements il y avait, ce ne serait que sur quelques semaines, et les impacts seraient mineurs selon une étude publiée en 2018 par différents chercheurs dans le Journal of Sports Analytics.

Tout de même, cette cohabitation calendaire présente quelques avantages. Elle permet notamment d’optimiser la visibilité de chaque sport. Chacun a son temps alors qu’en Europe tout se joue au printemps pour tout le monde. Résultat : les montants des droits TV s’envolent pour les quatre principales ligues*. C’est le cas en NBA qui a signé un contrat à 24 milliards de dollars sur neuf ans, de 2016 à 2025, avec ESPN et TNT. Pour la NFL, c’est 12,3 milliards de dollars… tous les ans. Le montant est tellement monstrueux que les droits sont partagés entre les principaux networks : Fox, NBC, CBS et ABC. Chacun son tour diffuse le Super Bowl. S’y ajoutent ESPN, Amazon et YouTube.

Optimiser l’exposition des partenaires

Répartir les principaux championnats durant les 12 mois de l’année permet aussi d’optimiser l’exposition des sponsors. De bon augure pour la NHL qui affiche plus de 70 partenaires. Toutefois, la ligue nord-américaine de hockey-sur-glace évolue aussi sur deux territoires : les Etats-Unis et le Canada. Kraft Heinz et PespiCo sont, par exemple, doublement partenaires via leurs filiales nationales respectives américaine et canadienne.

Pour maximiser leur visibilité certaines marques ont signé des contrats avec plusieurs ligues. Nike est ainsi engagé avec la NBA pour huit saisons de 2017 à 2025, que la NFL, pour huit saisons également de 2020 à 2028 et 1 milliard de dollars. L’équipement est encore partenaire de la MLB, pour un montant identique mais sur dix ans, de 2020 à 2029.

Quelques marques sont présentes dans les quatre ligues. C’est le cas pour le brasseur Anheuser-Busch InBev, les sodas de PepsiCo et l’application de paris sportifs virtuels FanDuel. « Ces marques vendent des produits visant un large public et notamment les personnes regardant le sport à la télé, indique Daniel Rascher. De plus, pour la bière, il y plusieurs pics de vente dans l’année, comme la Saint-Patrick, le Memorial Day ou Halloween. Pouvoir proposer des activations toute l’année au travers du sport est avantage ».

Peu de luxe et d’aérien

Les secteurs d’activité habituels à l’univers du sport se retrouvent dans les différents partenariats. Toutefois, deux majeurs se font plus discrets dans les quatre ligues américaines : le luxe et le transport aérien. Certes, la NBA a signé avec l’horloger Tissot (groupe Swatch) et Louis Vuitton (LVMH), qui vient juste de recruter Victor Wembanyama parmi ses ambassadeurs. Mais c’est l’exception pour le basket-ball qui se démarque des autres ligues.

C’est juste un peu mieux pour l’aérien. Air Canada est partenaire de la NHL depuis plus de 10 ans, et Emirates est devenu partenaire aérien de la NBA en février dernier. « Aux États-Unis, les compagnies aériennes ont plus tendance à sponsoriser les stades comme le United Center à Chicago ou l’American Airlines center à Dallas, commente Daniel Rascher. En revanche, pour le luxe, c’est effectivement un marché inexploité. Et il n’y a rien qui explique cette absence ».

A l’ombre du “quatre majeur” la MLS tente de se faire une petite place au soleil. Pour cela, la ligue de football nord-américaine ne suit pas la trace de ses grandes sœurs. Ainsi, pour la diffusion TV, la ligue n’a pas signé avec network mais avec Apple. Un contrat de 10 ans débuté en 2023, en même temps que l’arrivée de l’Argentin Lionel Messi dans le championnat, pour un total de 2,5 milliards de dollars. « Les Américains aiment aller au stade assister à un match de MLS, le soccer n’est pas encore populaire à la télévision, et du coup, cela limite les droits TV,» indique Victor Matheson, économiste spécialisé dans le sport à l’Université de la Holy Cross (Massachusetts).

Aux Etats-Unis, le football souffre de la concurrence internationale. « Dans un stade, un match de MLS est un bon produit, c’est sympathique à regarder, mais chez-soi, je n’ai aucune raison de regarder un match de MLS, quand je pourrais voir Manchester City, le FC Barcelone ou le Paris Saint-Germain », avoue l’économiste. Au niveau des sponsors, la MLS joue également la différence. Ainsi, l’américain Anheuser-Busch InBev laisse sa place au néerlandais Heineken et PepsiCo s’efface devant Coca-Cola.

Un changement possible en France?

Accorder les championnats des différents sport aurait donc quelques vertus financières. Pourquoi donc ne pas adopter cette stratégie en France ou en Europe ? « Si certaines ligues devaient changer de calendrier, ce seraient celles qui ne sont pas dominantes sur le marché,» estime Boris Helleu Maître de conférences à l’Université de Caen Normandie, Directeur du Master Management Du Sport « Cela permettrait aux disciplines en salle de se positionner de manière à éviter une concurrence directe entre elles, poursuit-il. Le football et le rugby resteront des “disciplines hivernales”»

Pour le chercheur, les habitudes des calendriers sont désormais trop fortes pour être changées. « Je pense quand même qu’il y a des arrangements au niveau local afin que les territoires ayant plusieurs clubs ne jouent pas tous à domicile les mêmes week-ends » avance Boris Helleu. La Ligue de Football Professionnel réalise la construction de ses calendriers avec Optimal Planning un logiciel d’une société canadienne dont l’algorithme très puissant permet de prendre en compte beaucoup de contraintes comme la participation à des compétitions européennes, un stade indisponible ou encore la demande des diffuseurs ».

Aux Etats-Unis, Victor Matheson voit l’optimisation des calendriers comme une opportunité : « Si une ligue de football américain voyait le jour en Europe, je ne serais pas surpris de la voir se positionner sur la période estivale, lâche-t-il. C’est une période où la NFL est absente aux Etats-Unis et il serait alors possible de la diffuser ici. Les fans de la discipline auraient ainsi quelque chose à regarder. » Avant cela le football (le nôtre) cherchera à s’imposer au pays de l’Oncle Sam. La Coupe du monde masculine 2026 organisée en partie dans le pays apparaît sera un important levier de communication.

Killian Tanguy
© SportBusiness.Club Mars 2024

(*) Les principales ligues professionnelles américaines

  • Foot US : National Football League (NFL).
  • Basket-ball : National Basketball Association (NBA).
  • Base-ball : Major League Baseball (MLB).
  • Hockey-sur-glace : National Hockey League (NHL).

A ces quatre principales ligues masculines, il faut ajouter la Major League Soccer (MLS) en football, le soccer en Amérique-du-Nord.

Sorare, un frenchie dans les sports US

Spécialiste du NFT, Sorare, entreprise de la sportech française, est présent dans deux des quatre ligues sportives majeures aux Etats-Unis. Le “frenchie” y développe son jeu de simulation avec des cartes numériques de joueurs à collectionner. Sorare a signé des accords avec la MLB et la NBA ainsi que la MLS. Adam Silver, le commissionnaire de la NBA, voyait avec ce partenariatune opportunité significative d’élargir la communauté des fans de NBA dans le monde”. Un bénéfice approuvé par Boris Helleu : « Les ligues ont vu un moyen de diversifier l’expérience du fan et de rajeunir la clientèle notamment avec les Fantasy Leagues particulièrement populaires aux États-Unis », assure le Directeur du Master Management du Sport de l’Université de Caen et animateur du blog Hell of a Sport consacré au marketing du sport.

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