« Profitez en, nous ne sommes pas souvent à Paris ». Jacques Lajuncomme, le président de la Fédération Française de Surf a le sourire. D’une part parce qu’il fait beau dans la capitale, mais surtout parce qu’il est entouré par son équipe de France, ceux qui porteront les couleurs tricolores lors des Jeux olympiques de Paris 2024 sur la mythique vague de Teahupoo à Tahiti : Joan Duru, Johanne Defay (la seule absente), Kauli Vaast et Vahiné Fierro. « On espère des médailles,» reprend le président en s’adressant au capitaine des Bleus, Jérémy Florès.
Jacques Lajuncomme espère beaucoup des jeux de Paris 2024. Il parie sur l’exposition, plus forte que celle de Tokyo, pour développer sa discipline, a-t-il confié à SportBusiness.Club. Le président de la fédération de surf, qui regrette que le para-surf n’ait pas été intégré aux programmes des Jeux paralympiques de Paris 2024 et Los Angeles 2028, sait que sa discipline va être critiquée en raison du choix de Tahiti pour les compétitions, très loin de la Métropole.
Le surf, discipline olympique : est-ce une chance pour votre sport ?
Jacques Lajuncomme : « Oui. C’est une chance et c’est aussi de la visibilité. Cela permet par exemple à un enfant qui arrive dans un de nos clubs de se projeter et se dire qu’il pourrait peut-être lui aussi faire les Jeux olympiques. C’est très différent que par le passé où la seule perspective était de faire des championnats du monde. Les Jeux olympiques sont pour le surf une véritable opportunité pour faire venir du monde dans nos clubs ».
Avez-vous accueilli plus de licenciés dans vos clubs après les Jeux de Tokyo ?
J. L. : « Non, honnêtement ça n’a pas été très spectaculaire. En dehors de l’Australie et du Brésil, les épreuves de surf n’ont pas été très médiatisées. Même en France ».
Peut-être aussi parce que le surf n’a pas encore le “label olympique” pour le grand public.
J. L. : « Oui. Notre discipline peut paraître éloignée pour les gens qui ne vivent pas sur le littoral. Pour ce public, le surf c’est un loisir, où quand on va à la plage on loue une planche et on s’essaie. Le fait d’être discipline olympique permet au surf de s’inscrire dans la compétition, le sport de haut niveau. Ce n’est plus simplement un mode de vie ou un loisir. Ça le reste, mais avec les Jeux on ajoute la haute performance sportive ».
Qu’attend la fédération comme retour de la présence du surf aux Jeux de Paris 2024 ?
J. L. : « Déjà, c’est grâce aux Jeux olympiques que nous avons pu nouer un partenariat solide avec Banque Populaire. Ils sont partenaires des Jeux mais aussi très investis dans la voile. Le surf est devenu leur deuxième discipline et j’imagine que le fait que soyons sport olympique a été une motivation supplémentaire pour eux. C’est aussi le cas pour Air Tahiti Nui, même si très spécifiquement c’est parce que les compétitions se déroulent à Tahiti. Mais on sait que cette aventure va se prolonger au-delà de Paris 2024 ».
La fédération a aussi perdu des sponsors, comme Dacia. Pourquoi ?
J. L. : « Ils étaient contents de ce partenariat, mais ils ont fait d’autres choix en s’associant avec des athlètes. C’est dommage. D’ailleurs, nous cherchons un partenaire véhicule. Ensuite, on a d’autres partenaires fidèles depuis longtemps ».
La fédération a-t-elle dû se structurer pour les Jeux ?
J. L. : « Avec certitude, les Jeux nous ont apporté des moyens pour structurer et développer notre pôle performance. Cela nous a permis, par exemple, d’intégrer Jérémy Florès dans le dans le staff en tant que manager terrain. Je pense que l’on n’aurait pas eu cette opportunité ni même les moyens de le faire. En revanche, sur le développement de la discipline, je le dis très très calmement, nous sommes certainement une des fédérations les moins soutenues de France. Plus que l’éloignement de Paris, il y a le poids de l’histoire. Du temps du CNDS peu de clubs pensaient à solliciter le CNDS pour demander des financements. On part de loin. Même si je considère que nous sommes de bons élèves. Il faut que l’on appuie notre développement avec l’Agence nationale du sport. Nous devons revoir nos modèles ».
Les épreuves de surf de Paris 2024 se déroulent à plus de 15 000 kilomètres de la capitale. Attendez-vous des critiques, notamment sur l’empreinte carbone ?
J. L. : « Il ne vous a pas échappé que ce n’est pas nous qui avons choisi le site. Ces critiques sont déjà là. Si les compétitions avaient eu lieu en Métropole, en Nouvelle-Aquitaine par exemple, il aurait fallu faire venir ici les athlètes et leur encadrement de la zone Pacifique, de la zone Océan Indien, de la zone Afrique… Vous voyez l’impact carbone généré ? Et c’est sans compter le déplacement de dizaines de milliers de spectateurs, ce qui ne sera pas le cas à Tahiti. Là-bas, tous les compétiteurs sont sur la zone géographique. Je pense que l’impact carbone global sera moindre en étant à Tahiti ».
Quel sera l’héritage des Jeux de Paris 2024 pour le surf et votre fédération ?
J. L. : « Je pense tout d’abord à l’accompagnement de nos athlètes. Avant tout ce serait d’avoir les outils, comme un centre de préparation et de performance et du staff, pour préparer les générations des Jeux de 2028, à Los Angeles, et 2032 à Brisbane. Si on peut le faire avec nos amis Tahitiens ce serait encore mieux*. Et puis, l’autre héritage c’est la nouvelle tour des juges installée sur le site de Teahupoo. C’est un vrai héritage pour la fédération tahitienne de surf ».
Entretien : Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club Juin 2024
(*) Indépendante, mais non reconnue par le Comité International Olympique, la Fédération Tahitienne de Surf a signé un partenariat avec la Fédération Française de Surf en novembre 2021.