« Plus ça approche, plus je suis heureux ». Thomas Jolly, l’homme-orchestre des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) sur le plan artistique, est un homme de théâtre à l’imagination débordante, qu’il a dû adapter à l’environnement contraignant des Jeux olympiques. Connu pour son sens de la dramaturgie, la démesure de ses mises en scène et sa défense d’une “théâtralité exacerbée”, ce créateur, que beaucoup qualifient de “surdoué”, passe à une dimension supérieure. Il s’apprête à faire de la Ville Lumière et de ses monuments emblématiques autour de la Seine son terrain de jeu, pour offrir au public le “plus grand spectacle du monde” vendredi 26 juillet prochain.
Utilisera-t-il ses néons blancs, lasers rouges et projecteurs en faisceaux à la Star Wars, comme dans l’opéra-rock Starmania qu’il a adapté et relooké avec succès en 2022 ? Usera-t-il d’une scénographie et de costumes gothiques rappelant sa vision de Roméo et Juliette ou Macbeth ? Après sa mise en scène de 18 heures pour la trilogie d’Henry VI » de Shakespeare, qui l’a fait connaître à Avignon en 2014, les 3h45 du spectacle de la cérémonie olympique d’ouverture sont-elles un défi majeur ?
A l’approche du jour J, l’artiste de 42 ans, défenseur d’un théâtre de troupe, populaire et enthousiaste depuis ses débuts en 2006, se dit “impatient de pouvoir enfin partager” cette “aventure extraordinaire”, pour laquelle il travaille, dans le plus grand secret, depuis 18 mois. Nommé directeur artistique des cérémonies en décembre 2022, le metteur en scène, qui a créé sa compagnie La Piccola Familia après ses études à la fac et à l’école d’acteurs du Théâtre national de Bretagne, ne révèle rien mais se dit “ému de voir ce qui sort des répétitions de danse, des ateliers de costumes et de fabrication” de décors.
Des voitures amphibies
Casquette noire, veste en jean, cet homme brun et svelte, au sourire malicieux, qui lui vaut parfois le surnom amical de “farfadet”, a d’abord vu les choses en grand pour cette cérémonie, avant d’abandonner plusieurs de ses idées. C’est une interview débridée au journal L’Equipe, alors qu’il est la tête du Centre dramatique national d’Angers, qui le propulse à l’avant de la scène olympique.
Interrogé comme deux autres artistes sur ce que pourrait être cette cérémonie, il évoque une arrivée des athlètes en chars qui se transformeraient en voitures amphibies, Catherine Deneuve en Olympe de Gouges, considérée comme une des pionnières du féminisme français, ou encore le groupe PNL chantant “L’hymne à l’amour”.
Il ne retiendra pas ces pistes et devra renoncer à d’autres scénarios envisagés à ses débuts comme directeur artistique, par exemple l’idée d’une tour Eiffel à l’envers comme vasque, des ballets aquatiques dans la Seine, ou la présence du duo Daft Punk, séparé depuis 2021. Abandonnées aussi les barges décorées portant des artistes, faute de hauteur suffisante sous les ponts de Paris.
Un projet qui n’est pas sacrifié
Une fois embarqué dans cette “aventure extraordinaire”, son premier travail a consisté à s’entourer d’auteurs et d’autrices pour imaginer “un grand récit” à partir du décor au cœur de Paris, en utilisant le fleuve et ses monuments, qui s’offrait à lui, son objectif étant de créer 12 tableaux artistiques le long du parcours de six kilomètres. Au final, « je n’ai pas sacrifié mon projet,» se défend Thomas Jolly. Tout est « raccord avec mon idée de départ,» ajoute ce Rouennais (nord de la France), fils d’un père imprimeur et d’une mère infirmière.
Son show, dont des répétitions ont eu lieu au printemps dans des hangars géants de l’Ile-de-France, intègre donc les fortes contraintes de sécurité et celles liées à l’environnement naturel et culturel du fleuve et de ses abords. Nul doute que le 26 juillet, à 19h30, Thomas Jolly sera sous tous les projecteurs. Lui plaide en tout cas pour le plus bel éclairage qui soit, celui du soleil, et implore l’astre. « Évidemment, il va faire beau,» se persuade-t-il en souriant. (Avec AFP)
© SportBusiness.Club Juillet 2024