C’est le jour du grand oral pour les sept candidats* à la présidence du Comité International Olympique (CIO), parmi lesquels le Français David Lappartient. Jeudi 30 janvier 2025, en matinée, le président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) disposera, comme ses six concurrents, de 15 minutes pour exposer son programme devant la centaine de membres du CIO. Chaque candidat devra conclure en 30 secondes, faute de quoi son micro sera coupé. Cet exposé se déroulera à huis clos, sans caméras. Un échange de dix minutes avec les journalistes est prévu ensuite, en fin de matinée.
En campagne depuis l’automne 2024, David Lappartient joue à Lausanne (Suisse), au siège du CIO où se déroule l’oral, une carte importante. Président de l’Union Cycliste Internationale (UCI), il ne part pas favori pour la succession de l’Allemand Thomas Bach, en poste depuis 2013. Contrairement à certains de ses rivaux, et au président sortant, champion olympique de fleuret par équipes en 1976, le Français n’a jamais été sportif de haut niveau.
Le candidat Lappartient possède néanmoins des atouts. Il est l’homme qui a favorisé l’entrée de la jeunesse grâce à l’e-sport au sein du CIO. Il préside la commission de la discipline qui a conclu un accord avec l’Arabie Saoudite pour organiser, pendant 12 ans, les futurs premiers Jeux Olympiques des sports électroniques. Le Breton bénéficie également du formidable succès des Jeux de Paris 2024, encore dans toutes les mémoires.
Un fin politique
David Lappartient a aussi été l’artisan de la candidature éclair et victorieuse des Alpes françaises pour les Jeux d’hiver 2030. Président du Conseil départemental du Morbihan, il a quitté Les Républicains (LR) mais reste reconnu pour sa parfaite maîtrise des rouages politiques. Cela se traduit par une diplomatie fine dans ses discours et déclarations. « Je crois que j’ai cette capacité à unir et réunir les gens, c’est ce qu’on attend finalement au CIO », déclarait-il en septembre dernier.
Son principal point faible réside dans son statut de membre du CIO, décroché grâce à la présidence d’une fédération internationale, depuis seulement février 2022. Il ne siège pas à la Commission exécutive, souvent considérée comme un tremplin vers la présidence. À l’inverse, deux des favoris, le prince Feisal Al Hussein (Jordanie) et l’ancienne nageuse Kirsty Coventry (Zimbabwe), y siègent déjà. Pour espérer créer la surprise, David Lappartient devra trouver les bons arguments jeudi.
Bruno Fraioli (Avec AFP)
© SportBusiness.Club Janvier 2025
Revue des six autres candidats
Sebastian Coe, reconnu mais clivant. Pressenti depuis des années à la tête du CIO, le double champion olympique du 1 500 m a pour lui son aura sportive, une surface médiatique renforcée par la puissance de la presse anglophone, ainsi qu’un long parcours de dirigeant: organisateur des Jeux de 2012 à Londres, député conservateur britannique, président du Comité olympique britannique puis patron mondial de l’athlétisme.
Sebastian Coe peut se targuer d’avoir redressé depuis 2015 « World Athletics », une instance plombée par son prédécesseur Lamine Diack, condamné pour son implication dans la dissimulation du dopage russe. Mais il s’est aussi attiré des inimitiés en décidant d’attribuer des primes aux athlètes médaillés d’or des Jeux olympiques de Paris, sans consulter personne, alors que la plupart des fédérations internationales ne peuvent pas suivre financièrement.
Ses positions sans concession, dont le bannissement pur et simple des athlètes russes depuis le début de la guerre en Ukraine, tranchent aussi avec le souci de consensus de Thomas Bach, qui les avait réintégrés sous bannière neutre à la demande d’une partie du monde olympique.
Juan Antonio Samaranch Junior, l’héritier. S’il est un candidat qui n’aura pas besoin de se faire un nom, c’est bien le fils de l’ancien patron emblématique du CIO Juan Antonio Samaranch, dont le long règne (1980/2001) reste associé à l’explosion des revenus de l’olympisme, mais aussi à une gouvernance controversée. Son père peut être un atout comme son point faible.
A 65 ans, l’Espagnol n’a pas de passé d’athlète mais est pour la deuxième fois vice-président du CIO (2016/2020 et depuis 2022), et suit de près les questions marketing: son manifeste en porte la marque, notamment en explorant de nouvelles sources de revenus et en recommandant un réexamen du programme de sponsoring international.
Kirsty Coventry, l’étoile montante. Ancienne nageuse de 41 ans, la Zimbabwéenne Kirsty Coventry est la seule femme candidate. Elle affiche un palmarès olympique impressionnant avec 7 médailles dont 2 en or en 5 éditions. Elle bénéficie également d’une expérience gouvernementale (ministre des Sports), ainsi qu’une ascension fulgurante au sein du CIO: entrée en 2013, elle a présidé la commission des athlètes, siège depuis 2018 à la commission exécutive, s’est intéressée aux questions de finance et de solidarité olympique, et dirige la commission de coordination des Jeux de 2032 à Brisbane. Elle devra fédérer les CNO africains autour de son vote : un challenge difficile.
Feisal Al-Hussein, le prince jordanien. Frère du roi Abdallah II de Jordanie, Feisal Al-Hussein préside le Comité olympique jordanien depuis 2003 et est membre du CIO depuis 2010. Depuis 2017, cet ancien militaire de 61 ans s’occupe de questions de prévention du harcèlement et des abus dans le sport. Il est d’ailleurs le seul à proposer un plan d’action détaillé sur ce sujet. Le Prince, qui met aussi l’égalité de genre et d’inclusivité, pourrait rassembler les votes des CNO du Moyen Orient et d’Asie.
Johan Eliasch, l’entrepreneur. Président de la Fédération internationale de ski (FIS) depuis 2021, le Britannico-Suédois de 62 ans dirige depuis 1995 l’équipementier sportif Head, et estime que “le CIO doit être géré comme une entreprise”, en adaptant son modèle à une “économie de l’attention férocement concurrentielle”. Engagé au sein du parti conservateur britannique sur les questions environnementales, il a néanmoins été critiqué pour son action au sein de la FIS, puisque la Coupe du monde de ski alpin traverse l’Atlantique deux fois par saison pour les étapes américaines.
Morinari Watanabe et son « idée folle ». Président de la Fédération internationale de gymnastique, le Japonais de 65 ans se distingue doublement de ses rivaux. Il a de loin le programme le plus concis et le plus radical, proposant une innovation remarquée : l’organisation simultanée des JO d’été dans cinq villes sur chaque continent, avec une diffusion continue en streaming.
(*) Ordre de passage à l’oral des sept candidats à la présidence du CIO :
1 – Prince Feisal Al Hussein (Jordanie), 61 ans.
2 – David Lappartient (France), 51 ans.
3 – Johan Eliasch (Grande-Bretagne), 60 ans.
4 – Juan-Antonio Samaranch Jr (Espagne), 65 ans.
5 – Kirsty Coventry (Zimbabwe), 41 ans.
6 – Sebastian Coe (Grande-Bretagne), 68 ans.
7 – Morinari Watanabe (Japon), 65 ans.