Justice. De multiples perquisitions étaient en cours mardi 5 novembre 2024 dans le monde du football professionnel français: la Ligue de football professionnel (LFP), son président Vincent Labrune et le fonds CVC sont dans le viseur du parquet national financier, sur des soupçons de détournement de fonds publics notamment. Les perquisitions des bureaux parisiens de la LFP et des locaux du fonds d’investissement CVC Capital Partners ont débuté en matinée, a indiqué une source judiciaire à l’AFP.
Une autre perquisition a également lieu au domicile de Vincent Labrune, le président de la LFP réélu pour un second mandat à la tête de l’instance en septembre dernier, à Saint-Rémy-de-Provence, a également confirmé à l’AFP une source proche du dossier. Ces perquisitions s’inscrivent dans le cadre d’une enquête du parquet national financier (PNF) ouverte en février 2024 sur le contrat noué en 2022 par la LFP avec le fonds d’investissement CVC.
Les investigations ont été confiées le 16 juillet aux gendarmes de la Section de recherches de Paris, qui cherchent à déterminer s’il y a eu détournement de fonds publics, corruption active et passive d’agent public et/ou prise illégale d’intérêts lors de la conclusion de cet accord. Dans un communiqué publié dans l’après-midi, la LFP affirme “coopérer avec la justice pour apporter tous les éléments nécessaires à l’enquête en cours, en toute transparence”
Plainte d’AC-Anticorruption
“Les actes d’enquête qui se déroulent dans la plus grande sérénité confirmeront que l’action menée par la Ligue a toujours été guidée par un engagement profond envers le football français, dans le plein respect des règles en vigueur,” avance l’instance sportive. Contactés par l’AFP, les avocats de Vincent Labrune et de CVC Capital Partners n’ont pas souhaité s’exprimer à ce stade. Le fonds d’investissement n’a pas voulu non plus faire de commentaire.
L’accord entre le foot professionnel et CVC Capital Partners a donné lieu à la création d’une société commerciale de la LFP après une cession partielle de capital au fonds d’investissement luxembourgeois. Conclu en avril 2022, cet accord a été conçu pour rapporter au total 1,5 milliard d’euros au football professionnel français, en échange de 13,04% de ses revenus à vie pour le fonds d’investissement.
Or, la plainte de l’association AC-Anticorruption, à l’origine de l’enquête, rappelle que “le football est un bien public donné par délégation du ministère des Sports à la Fédération française de football, qui elle-même octroie une subdélégation à la Ligue de football professionnel”. Le texte de cette plainte, déposée en novembre 2023 et dont l’AFP a eu connaissance mardi interroge aussi : “N’y aurait-il pas dû y avoir une autorisation du ministère des Sports pour céder des droits de la Fédération de football de manière définitive à la Ligue, et une autorisation aussi pour que la Ligue cède ces mêmes droits à la société commerciale ?”
Une commission de 37,5 millions d’euros
D’après L’Equipe, “lors des négociations entre CVC et la LFP, il avait été prévu que les banquiers et les avocats qui conseillaient la LFP seraient rémunérés une fois le deal ficelé” à hauteur de 37,5 millions d’euros, ce qu’a confirmé à l’AFP l’une des sources proches du dossier. Celle-ci a également confirmé que “une part” (8,5 millions d’euros, principalement pour Vincent Labrune, d’après L’Equipe) avait été versée en bonus aux dirigeants de la Ligue ayant participé à la négociation du contrat.
Au moment de sa signature, l’accord avec CVC devait sortir de l’ornière le football professionnel français, exsangue après l’épidémie de Covid-19 et la défaillance économique en France du groupe audiovisuel sino-espagnol Mediapro, éphémère détenteur des droits TV de la Ligue 1. Le président de l’association AC ! Anticorruption s’est dit “très satisfait” des perquisitions lancées par le PNF. « Nous espérons que cette affaire qui touche le fisc français, ce que nous considérons comme de l’argent public, aboutisse à des condamnations,» a déclaré Marcel Claude à l’AFP.
Une commission d’enquête du Sénat s’est également interrogée sur le contrat entre la LFP et le fonds CVC. Les sénateurs Laurent Lafon, président de cette commission, et Michel Savin, rapporteur, ont rendu le 30 octobre dernier un rapport de 130 pages, au vitriol, prônant des réformes drastiques dans la répartition des revenus entre clubs ou le salaire des dirigeants. Ciblant particulièrement le contrat liant la Ligue à CVC, les deux sénateurs préconisent de “opérer une distinction nette entre les activités des ligues professionnelles et celles de leurs sociétés commerciales”. (Avec AFP)
© SportBusiness.Club Novembre 2024