Le football est cultivé dans toutes ses variétés sur M6. A partir du 14 juin la chaîne diffusera des matchs de l’Euro 2024 masculin, dont la finale le 14 juillet. Mais dès maintenant, c’est une version revue et corrigée qui est proposée sur la plateforme M6+ avec la Kings World Cup. Directeur des sports du groupe M6, Frédéric de Vincelles explique la stratégie d’acquisition des droits sportifs pour le groupe audiovisuel.
Pourquoi avoir acquis la Kings World Cup ?
Frédéric de Vincelles : « C’est un format que l’on a identifié il y a déjà plus de six mois. Nous avions engagé des discussions avec Kosmos [l’organisateur] il y a un long moment. Eux-mêmes se posaient des questions sur la façon d’aborder le marché français : soit avec un partenaire financier pour créer une filiale d’exploitation de la Ligue, soit un partenaire média capable de diffuser les matchs. Ils ont opté pour cette solution. Nous nous sommes positionnés principalement parce qu’il s’agit d’un format de sport innovant et spectaculaire, à la frontière du sport et du divertissement. Ils ont parfaitement intégré des éléments de gaming dans un jeu de foot à 7. Cela donne un produit réellement plus attractif, intense et spectaculaire pouvant s’adresser à un public assez jeune ».
Est-ce un public que vous visiez ?
F.de V. : « Oui. D’ailleurs ce sont peut-être aussi des fans d’e-sport. C’est un produit tout à fait adapté à M6+ notre nouvelle plateforme de streaming lancée il y a juste quelques jours, le 14 mai. La King’s World Cup vient parfaitement accompagner ce lancement. Cette compétition bénéficie déjà d’un retentissement important grâce aux présences de stars comme Zlatan Ibrahimovioc ou de Neymar. Tout ce contexte fait que ce programme s’adresse à un public jeune et sur une plateforme de streaming. (…) Dans le même temps nous avons acquis les droits de la King’s League France… quand elle sera lancée en France. Ce devrait être en février 2025. C’est du sport, du spectacle, et c’est innovant : en raison de ces trois qualificatifs cette compétition a parfaitement sa place sur M6+».
M6 plusieurs matchs de l’Euro masculin 2024. Vous avez acheté les droits des deux prochaines Coupes du Monde masculine. Pourquoi ce fort intérêt pour le football de la part de M6 ?
F.de V. : « M6 a un intérêt pour le sport en général et le football en particulier. Nous l’avons depuis longtemps. Il a même démarré au siècle dernier par l’acquisition des Girondins de Bordeaux en 1999. Ensuite nous avons diffusé des matchs de la Coupe du monde 2006, de l’Euro en 2008, et depuis nous n’avons jamais été absents du moindre Euro de foot masculin. Il y a aussi eu l’acquisition de droits de foot féminin et de l’équipe de France de football. Nous avons multiplié les contrats dans le football, le handball, le basket-ball, le rugby avec des matchs de la Coupe du monde France 2023. Nous sommes assez éclectiques, même s’il est vrai que foot est prédominant dans notre offre de programme sportif ».
Et pourquoi cet intérêt pour le sport alors ?
F.de V. : « Parce qu’il s’agit d’un genre en télévision extrêmement fédérateur. C’est le genre qui permet de réaliser les plus grosses audiences de l’année. Systématiquement. En plus, le sport présente un avantage, et non des moindres : c’est un genre qui résiste extrêmement bien à la baisse d’audience globale de la télévision, notamment auprès du public jeune. Le foot résiste extrêmement bien. Certains événements, comme Roland-Garros ou le Tour de France ont même progressé en audience ces cinq dernières années. Posséder ce type de droits sportifs pour un groupe média comme M6, qui fait partie des chaînes “Ligue 1” dans le paysage audiovisuel français, est essentiel ».
Cela offre-t-il un certain statut ?
F.de V. : « Absolument. Diffuser ce type de grands événements sportifs donne à la chaîne qui les diffuse un statut que dont les autres chaînes n’ont pas ».
Le sport permet-il de gagner de l’audience ?
F.de V. : « Oui, clairement parce le sport permet les plus grosses audiences de la télévision. C’est donc un contributeur d’audience extrêmement fort pour une chaîne. Toutes ces audiences additionnées qui contribuent fortement à la progression de la chaîne, c’est extrêmement important. Et puis, l’autre vertu du sport c’est que le genre promet des audiences quasiment garanties. Ca, ce n’est pas courant. En télévision, quand on investit 100, on n’est jamais sûr que cet investissement sera rentable. Les aléas sont forts et nombreux, pour une série ou un divertissement. Avec un Euro de football on est extrêmement confiant sur le potentiel niveau d’audience. C’est aussi une garantie d’audience, mais qui a un prix. »
Le sport permet-il aussi de gagner des parts de marché publicitaire ?
F.de V. : « Oui, parce que l’on peut à l’avance, et quasiment de façon assez précise, prévoir les niveaux d’audience ce qui permet de commercialiser ces programmes en amont. Ce sont également des audiences attractives et bien qualifiées. Le sport est un produit qui se vend assez bien. Malgré tout, sur les droits sportifs, c’est un éternel dilemme. C’est un équilibre à trouver entre le coût d’acquisition et la rentabilité. La question est : quel niveau de pertes une chaîne est prête à accepter pour l’emporter. Personne de gagne de l’argent avec les droits sportifs ».
Justement. M6 est réputée pour ne pas être dépensier. Comment gérer ce dilemme alors ?
F.de V. : « C’est un risque, mais le plus gros aléas dans un droit sportif c’est l’absence d’une équipe française dans la compétition en question. Nous concernant, on peut considérer qu’à horizon 2030, l’équipe de France sera présente en phase finale de Coupe du monde, notamment à cause de la structure des compétitions et aussi en raison des modalités de qualification. Le deuxième aléa c’est le parcours de l’équipe de France dans ces compétitions. Plus les Bleus vont loin plus la perte économique se réduit (…). Par ailleurs, ces très fortes audiences sont des occasion de mettre des bandes-annonces et de faire découvrir nos chaînes auprès d’un public qui n’est pas forcément habitué à M6 ».
Combien M6 investit dans le sport ?
F.de V. : « Il est variable en fonction des années et des événements. Je ne dispose pas d’une enveloppe annuelle pour les acquisitions. On se pose la question à chaque appel d’offres, et on fixe un prix ».
A combien s’élèvent les coûts de production ?
F.de V. : « Ce montant est confidentiel. Mais ces coûts sont toujours maîtrisés chez M6. Ainsi, pour l’Euro nous n’avons qu’une seule équipe de commentateurs. Pas deux. Xavier Domergue, Christophe Dugarry et Karine Galli assureront les commentaires des 13 matchs que l’on diffusera, jusqu’à la finale. De même, notre magazine en plateau se fera dans le Studio RTL, et là on fait travailler les synergies de groupe. On fait toujours attention aux coûts dépensés. Maintenant, quand on investit des montants tout de même significatifs dans des droits, après il ne faut pas trop lésiner non plus sur les atours si l’on veut être à la hauteur de l’événement ».
Comme M6 va traiter les Jeux olympiques et paralympiques ?
F.de V. : « Il n’y aura pas de programmes dédiés. Les Jeux seront traités dans le cadre de l’information de nos J.T. le 12-45 et le 19-45, beaucoup regardés par les moins de 50 ans ».
Quels appels d’offres regardez vous ?
F.de V. : « Dans le football, on regarde tous les appels d’offres qui se présentent pour les grandes compétitions, masculines et féminines. Avec le rugby, et la Coupe du monde, nous avons réalisé d’excellentes performances. Cela ne m’a pas surpris, mais m’a apporté une satisfaction car en deux mois nous avons réussi à installer une équipe crédible et appréciée dans cette discipline. C’est un genre que l’on regarde maintenant de façon attentive. Plutôt des événements. Et puis, pour la plateforme M6+ on regarde aussi des sports plus de niche comme le MMA. On va produire un programme baptisé MMA Academy. Nous diffusons encore deux saisons de NFL et le Super Bowl. Ce sont des droits un peu plus exotiques pour le public français. Ca progresse, mais il n’y a pas d’explosion du foot américain en France. On verra peut-être le jour où la NFL décidera de venir jouer un match en France ».
Cet été avec les Jeux les sports urbains devraient exploser. Ces disciplines vous intéressent-elles ?
F.de V. : « Je suis persuadé que ça va super bien fonctionner. On va considérer les J.O. comme un laboratoire. Ce sont des disciplines pouvant intéresser M6+. Cette offre nous ouvre le champ des possibles. On a récemment expérimenté le skateboard avec la Skateboard League Street à l’Adidas Arena. Beaucoup de sports d’entraient pas dans le scope d’une diffusion linéaire et peuvent maintenant tout à fait trouver leur place sur une plate-forme de streaming parce qu’elle permet d’additionner des communautés ».
Entretien : Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club Mai 2024