19 mars 2025

Temps de lecture : 6 min

Présidence du CIO: les chances des sept candidats

J-1 à Costa Navarino. Ce jeudi 20 mars 2025, en fin d’après-midi, le Comité International Olympique (CIO) connaîtra son nouveau président. Réunie en Grèce, dans un complexe hôtelier situé sur les bords de la mer Ionienne en Péloponnèse, la centaine de membres de l’instance désignera le successeur de Thomas Bach, en poste depuis 2013. Sept candidats sont en lice pour diriger l’institution basée à Lausanne (Suisse). Parmi eux, le Français David Lappartient, actuel président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Le vote, organisé en plusieurs tours si nécessaire, déterminera lequel d’entre eux prendra les rênes du CIO pour les huit prochaines années. Revue des profils et chances de chacun.

Sebastian Coe (Grande-Bretagne), 68 ans.

Membre du CIO depuis 2020, athlète exceptionnel, politicien, organisateur des Jeux de Londres 2012, président de World Athletics, puis membre du CIO depuis moins de cinq ans.

Profitant d’une très forte notoriété, Lord Coe avait toutes les qualités requises pour devenir le prochain président du mouvement olympique, à une époque où ses relations avec Thomas Bach étaient au beau fixe. Mais depuis son entrée au CIO, le Britannique a fait preuve d’une grande indépendance vis-à-vis de l’instance olympique. Il n’a pas hésité à critiquer l’institution, au grand dam de son président. Sebastian Coe peut agacer par ses prises de position. De plus, plusieurs membres lui reprochent un certain opportunisme qui lui a permis de passer de poste en poste pour asseoir son ambition, tout en ignorant de nombreux conflits d’intérêts.

Peu investi dans la gestion du CIO, il n’en vise pas moins la présidence, jouant cavalier seul et prenant des décisions surprenantes, comme il l’avait fait il y a près de vingt ans lorsque Londres était candidate aux Jeux de 2012. Alors que World Athletics est la fédération recevant le plus de subsides du CIO, Sebastian Coe s’est attiré des inimitiés dans le monde olympique en décidant d’attribuer des primes aux athlètes médaillés d’or aux Jeux de Paris. Une décision prise sans concertation, alors que la plupart des fédérations internationales ne peuvent pas suivre financièrement. Les membres du CIO s’en souviendront sans doute. Enfin, le Britannique critique le système d’élection du président… avant même l’ouverture du scrutin.

Kirsty Coventry (Zimbabwe), 41 ans

Membre du CIO depuis 2013. Ancienne nageuse, elle est, avec Sebastian Coe, la seule candidate ayant participé aux Jeux Olympiques en tant qu’athlète.

Kirsty Coventry a débuté en 2000 à Sydney et a terminé sa carrière à Rio en 2016, après cinq participations et sept médailles, dont deux titres sur 200 mètres dos. Élue au CIO en même temps que Tony Estanguet à la Commission des athlètes, elle en est devenue présidente en 2018, intégrant ainsi la Commission exécutive. La même année, elle est nommée ministre de la Jeunesse, du Sport, des Arts et des Loisirs du Zimbabwe. Elle quitte alors son poste de présidente de la Commission des athlètes mais réintègre la Commission exécutive en 2023 en tant que membre individuelle représentant le CIO au Zimbabwe. Encouragée par Thomas Bach, qui soutient son travail, elle s’impose comme un membre efficace de l’institution.

Toutefois, accéder automatiquement à la présidence du CIO à 41 ans relève du défi. Kirsty Coventry devra convaincre les membres de voter pour une femme, ce qui serait une première dans une institution longtemps réticente à admettre les femmes dans les compétitions. Une autre incertitude réside dans le vote des représentants africains, qui pourrait être décisif. Par ailleurs, elle ne parle pas français, l’une des langues officielles du CIO, ce qui constitue un handicap. Mais elle bénéficierait du soutien de Thomas Bach.

Johan Eliasch (Suède/Grande-Bretagne), 60 ans.

Membre du CIO depuis 2024. Élu lors de la 142ᵉ session du CIO, organisée à Paris pendant les JO 2024.

Le Britanno-Suédois a eu l’audace de se présenter à la présidence de l’institution seulement 42 jours après son entrée en tant que simple membre. Une initiative révélatrice de l’impatience et des ambitions du PDG de l’équipementier Head et président de la Fédération internationale de ski (FIS) depuis 2021. Milliardaire, il a prêté de l’argent au Parti conservateur britannique, dont il a été trésorier adjoint de 2003 à 2007.

Johan Eliasch est critiqué pour ses nombreux conflits d’intérêts, un cas unique dans le sport. Son élection à la tête de la FIS en 2021 lui a valu de nombreux adversaires en raison de ses prises de position sur le calendrier de la Coupe du monde de ski alpin et les droits télévisés. Pratiquement inconnu dans le monde olympique, dont il est membre depuis peu, il aura du mal à convaincre des collègues qu’il n’a côtoyés que lors de rares réunions du CIO.

Prince Feisal Al Hussein (Jordanie), 61 ans

Il devient président du Comité olympique jordanien et crée l’association Generation for Peace, qui permet aux jeunes leaders bénévoles de promouvoir la tolérance active et la citoyenneté responsable dans des communautés confrontées à diverses formes de conflit et de violence. Il entre au CIO en 2010 et participe activement à l’organisation en siégeant dans plusieurs commissions. Il intègre la Commission exécutive du CIO en 2019. Sérieux et travailleur, il gravit patiemment les échelons vers la présidence, en prônant un sport éloigné des enjeux politiques.

Selon lui, le futur président du CIO doit être plus qu’un simple gardien des Jeux : un diplomate, un avocat et un ambassadeur du sport sur la scène mondiale. Mais sera-t-il suivi par des électeurs qui hésiteront peut-être à élire un non-Européen, comme ce fut le cas pour Avery Brundage en 1952 ?

David Lappartient (France), 51 ans.

Membre du CIO depuis 2022. En moins de trois ans, David Lappartient a brûlé les étapes et s’est impliqué dans plusieurs projets confiés par Thomas Bach.

Le président du CNOSF jouit d’une bonne cote auprès des membres du CIO grâce à une image sympathique, qui en fait un candidat crédible. Cependant, dans la “congrégation des cardinaux du sport”, il faut du temps pour s’imposer sans brûler les étapes, comme semblent le faire certains de ses concurrents.

David Lappartient n’a jamais été membre de la Commission exécutive, une étape nécessaire pour accéder au pouvoir suprême. Il pourra néanmoins bénéficier des retombées positives des Jeux de Paris 2024, qui s’annoncent comme une réussite. Son mandat olympique étant lié à sa présidence de l’UCI, il devra ajuster sa situation. Un autre handicap : il ne pourra pas compter sur les votes des autres membres français du CIO, Guy Drut, Jean-Christophe Rolland et Martin Fourcade, qui ne peuvent pas participer aux tours tant qu’un Français est en lice.

Juan-Antonio Samaranch Jr (Espagne), 65 ans.

Membre du CIO depuis 2001. Il est sans conteste possible le plus aguerri des sept candidats à la présidence du CIO puisque cela fait plus de 24 ans qu’il est aux affaires olympiques.

Depuis son entrée dans l’entité olympique, Juan-Antonio Samaranch Jr a accédé à de nombreuses fonctions importantes dans l’institution et peut s’appuyer sur une solide expérience et une connaissance profonde du mouvement olympique. Il a surtout été membre de la Commission exécutive à trois reprises c’est-à-dire plus de dix ans à la direction du CIO, ce dont aucun des autres candidats ne peut se targuer.

Juan-Antonio Samaranch Jr est posé, a une vision du futur de l’institution et de l’organisation des Jeux et du rôle que doivent retrouver les “cardinaux du sport” pour ne pas n’avoir à répondre que par oui ou par non aux questions posées lors des sessions olympiques. C’est surtout le cas lors des choix des villes olympiques. Financier international de profession, il compte avant tout sur son savoir-faire commercial et explorer de nouvelles sources de revenus pour le CIO et changer la perception du CIO sans toucher aux acquis. Il parle couramment l’Anglais, le Français et bien sûr, l’Espagnol.

Toutefois, l’Espagnol doit porter le fardeau de son père, Juan-Antonio Samaranch, ancien président du CIO, entre 1981 et 2001. L’homme politique a été secrétaire aux sports sous la dictature franquiste de son pays. Très récemment, un article critique envers Juan-Antonio Samaranch Jr dans le journal britannique The Times montrait une photo de son père faisant le salut nazi. Certains membres du CIO craindront peut-être de voir des dossiers revenir à la surface.

Morinari Watanabe (Japon), 65 ans.

Membre du CIO depuis 2018 – Président de la Fédération internationale de gymnastique depuis 2016.

Morinari Watanabe a pour lui que son sport, la gymnastique, est l’un des plus en vue des Jeux Olympiques. Malheureusement, le Japonais n’est pas une des figures du CIO, c’est le moins que l’on puisse dire. Il n’a jamais été à la commission exécutive du CIO et reste au milieu des membres que l’on appelle souvent la majorité silencieuse. Il est loin d’être un guerrier et ne semble pas être taillé pour le poste de président du CIO.

Le Japonais a surtout des idées qui paraissent bien difficiles à mettre en place et surtout délirantes lorsqu’il prétend que les Jeux Olympiques de Paris 2024 donnaient l’impression d’être très éloignés de l’Asie. C’est absurde, car on pourrait lui répondre que Tokyo 2020 et Pékin 2022 étaient éloignés de l’Europe. Quant au point fort de son projet : “les Jeux dans les cinq continents en même temps” en réunissant les sports par affinité locale… En fait, ce seraient bonnement des championnats du monde comme il en existe chaque année. Le CIO a d’autres priorités dans le futur.

Alain Lunzenfihter, à Costa Navarino (Grèce)
© SportBusiness.Club Mars 2025

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