Nouvel avis de tempête sur la voile. L’univers de la course au large est secoué par des soupçons de tricherie* lors du Vendée Globe 2020/2021. De quoi contrarier le petit monde de la voile, et tout son écosystème, sponsors compris. D’autant que cette affaire arrive après d’autres, récentes, notamment le limogeage compliqué de Clarisse Crémer par Banque Populaire et les accusations d’agressions sexuelles de la part de Kevin Escoffier. Cela commence à faire beaucoup. Certains skippers laissent entendre que leurs partenaires commerciaux s’interrogent.
« Oui, il y a une accumulation des affaires dont on se serait bien passé,» reconnait le journaliste Pierre-Yves Lautrou, fondateur du média Tip & Shaft spécialisé sur la course au large. « Ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour l’image de la voile, poursuit-il. Cela peut avoir des conséquences dans un écosystème qui a beaucoup grandi ». Autre spécialiste du secteur, Philippe Eliès, responsable voile au quotidien Le Télégramme, est également inquiet : « J’ai du mal à mesurer les conséquences directes, avoue-t-il. Les skippers voient surtout une très mauvaise publicité pour leur discipline ».
La voile serait devenue un “sport comme les autres”. Pas terrible en effet pour une discipline qui surfe depuis toujours sur une image vertueuse, loin des dérives observées dans d’autres disciplines. « C’est plutôt la conséquence d’une crise de croissance, et plus particulièrement de la classe Imoca [les monocoques du Vendée Globe], estime Anne Millet, responsable communication dans la voile. Toutefois, ces affaires sont plutôt des histoires personnelles. Il n’y a pas de problématique générale. La discipline n’est pas remise en cause ».
C’est trop lent !
« Cela ne va pas ébranler le milieu, assure une attachée de presse. La voile reste protégée par les valeurs que déploie la discipline. Et puis, le public oublie vite… Aujourd’hui, c’est peut-être un peu plus compliqué pour un marin qui était en cours de discussion avec un sponsor ». Tout de même, l’image du sport est écornée, d’autant que cette dernière affaire touche l’éthique, un sujet sur lequel le grand public est intransigeant.
« L’image est peut-être moins glamour, et c’est très mauvais pour la voile, tranche un autre journaliste spécialisé. Il y a des soupçons de tricherie : à voir si cela se confirme. Cela interpelle, car il y a un problème d’interprétation des règles ». Au-delà de sa complexité, cette “affaire Crémer”, met le doigt sur un besoin pour le secteur de monter encore plus en professionnalisme. Une condition pour rassurer des entreprises partenaires dont les investissements se chiffrent souvent en millions d’euros annuels, notamment pour un programme Vendée Globe.
« La vitesse de réaction des organisateurs est trop lente, s’inquiète Pierre-Yves Lautrou. Il faut qu’ils se mettent rapidement autour d’une table. Par exemple, rien n’a encore été acté concernant l’absence des skippeuses en cas de maternité [cf l’éviction de Clarisse Crémer par son Team]. On ne peut pas attendre 4 ans !». Un avis partagé par Anne Millet : « Un sponsor attend que les choses soient claires et que ca aille vite, mais sans bâcler le travail, » estime-t-elle. Le message est clair : toutes voiles dehors, en gérant les disparités de projets et de classes de bateaux.
Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club Février 2024
(*) La navigatrice Clarisse Crémer et son compagnon Tanguy Le Turquais sont accusés d’avoir échangé des messages concernant la météo lors du Vendée Globe 2020/2021. La première, en mer, aurait ainsi pu bénéficier des conseils du second, à terre, ce qui est strictement interdit. La Fédération Française de Voile a reçu des copies de ces messages WhatsApp de la part d’un correspondant anonyme. L’instance sportive doit statuer bientôt sur ce cas.