Business. Avec Antoine Dupont, le dossier du Salary Cap dans le rugby français a trouvé un détracteur des plus médiatique. Le capitaine du Stade Toulousain et star incontestée du rugby français avait critiqué sévèrement ce dispositif mis en place par la Ligue Nationale de Rugby auprès de SportBusiness.Club, Le Monde et l’AFP. Selon lui, cette règle imposée aux clubs professionnels serait invasive, injuste et déconnectée des réalités du terrain pour les joueurs. Cette prise de position, inattendue, a mis en lumière un débat jusqu’ici dans l’ombre. Beaucoup s’en sont emparés depuis.
« Quand on a le statut d’Antoine Dupont, c’est normal de se sentir lésé,» assure Frank Hocquemiller. Le fondateur de l’agence VIP-Consulting et notamment agent de Romain Ntamack fait la comparaison avec d’autres sports : « Quand on regarde la liberté qui existe dans le football, il peut y avoir un sentiment d’amertume chez les rugbymen. Ils remplissent les stades, vendent des maillots mais considèrent qu’ils n’en perçoivent pas vraiment les retombées. Les règles du Salary Cap complexifient les contrats d’image individuelle liés aux sponsors du club ».
Des restrictions salvatrices
Fixé à 10,7 millions d’euros par club jusqu’au début de la saison 2026/2027, le Salary Cap a été instauré pour limiter les dépenses des structures et assurer une équité sportive. « Ce dispositif est un outil de régulation, rappelle Christophe Lepetit, Directeur des études économiques du CDES Limoges. La Ligue, née en 1998, est encore jeune. Elle a voulu se prémunir de dérapages financiers tout en assurant un développement régulier et constant. Sans excès. Force est de reconnaître qu’économiquement et sportivement, c’est un succès ».
Concrètement, toutes les rémunérations versées par le club aux joueurs pour leurs services sportifs ou liées à leur activité rugby entrent dans cette enveloppe. Là où cela coince c’est que cela concerne aussi les contrats de sponsoring personnels des athlètes pour une marque qui est partenaire du club employeur. « Certains clubs ont eu envie par le passé ou pourrait avoir envie de contourner cette règle, reconnait Christophe Lepetit. Les joueurs ont évidemment le droit de valoriser leur propre image. Ce qui est interdit, c’est de signer un contrat avec sponsor du club dont la valeur est totalement déconnectée de celle du marché ».
“Pas de système idéal”
Sur ce point, plusieurs agents contactés rapportent des cas jugés “absurdes”. C’est le cas de contrats de dotation. « Au-delà des joueurs phares comme Antoine Dupont ou Romain Ntamack, il y a tous les joueurs professionnels de rugby qui pâtissent aussi de ces règles, explique l’un d’eux. Certains ne peuvent même pas bénéficier d’une voiture du sponsor du club. Aujourd’hui, si une société prend de l’hospitalité avec un club de Top 14, elle ne pourra pas s’associer individuellement à l’image d’un joueur de l’équipe. Ou alors il faudra intégrer le montant du contrat au Salary Cap. Tout est épié. Cela devient ridicule ».
Antoine Dupont milite pour changer ces règles. « Ce pourrait être un peu notre combat ces prochains mois,» concède son coéquipier en club et international Grégory Aldritt. « Je ne dirais pas qu’il faut supprimer le Salary Cap, tempère Frank Hocquemiller. Quand on regarde les sports où cette règle n’existe pas, on voit où cela peut mener. Il n’y a pas de système idéal, mais aujourd’hui, on se concentre uniquement sur la gestion saine des clubs au détriment des joueurs. Notons aussi que ces grands joueurs dont on parle ne sont pas, non plus, malheureux ».
Vers une réforme ?
Les choses bougent. Des discussions devraient avoir lieu d’ici la fin d’année entre les représentants des joueurs et la Ligue. « Antoine Dupont a sciemment pris la parole pour mettre la pression, analyse Christophe Lepetit. Il ne doit pas oublier que le rugby est un sport collectif. Cependant, ce débat peut ouvrir à des négociations. Il est possible de faire évoluer le Salary Cap. Ainsi, pourquoi pas autoriser un club à le dépasser et taxer le surplus afin de le redistribuer aux autres clubs. Ce serait à l’image de ce qui est fait en NBA ou en MLS ».
Après la prise de parole d’Antoine Dupont, la LNR s’est empressé de réagir par communiqué. « La LNR n’interdit en aucun cas à un joueur de disposer de son droit à l’image. Ce qui est prévu, c’est que les contrats conclus avec une entreprise partenaire du club soient déclarés dans le Salary Cap par les clubs. C’est un principe de transparence, récemment renforcé, qui vise à éviter tout contournement du plafond salarial par des rémunérations indirectes ». Pas sûr que ces explications calment le jeu.
© SportBusiness.Club – Octobre 2025