La 80e édition de la Vuelta a connu un dénouement chaotique dimanche 14 septembre 2025. À Madrid (Espagne), des milliers de manifestants propalestiniens ont envahi le circuit final, contraignant les organisateurs à interrompre l’étape à plus de cinquante kilomètres de l’arrivée. Le peloton, dont le vainqueur Jonas Vingegaard, a regagné ses hôtels. Une cérémonie improvisée a eu lieu sur un parking, loin des podiums traditionnels. Ce scénario inédit et peu glorieux a souligné la vulnérabilité des courses cyclistes, gratuites et ouvertes, donc particulièrement exposées à des actions spectaculaires. Après plusieurs incidents sur le Giro et le Tour de France, la crainte d’un précédent s’installe dans le peloton.
Le directeur de l’épreuve, Javier Guillén, n’a pas caché son désarroi. « D’ici au Tour de France, espérons que le conflit à Gaza soit résolu», a-t-il indiqué, rappelant ainsi que l’édition 2026 de la Grande Boucle partira de Barcelone. Plusieurs coureurs ont partagé leur inquiétude. «Il est désormais clair que le cyclisme sert de tribune pour des revendications. La prochaine fois, ce sera pire», a prévenu Michal Kwiatkowski. Principalement visée, l’équipe Israel-Premier Tech (IPT) n’a pas cédé aux pressions malgré la suppression temporaire du mot « Israel » sur ses maillots. Son propriétaire, Sylvan Adams, a averti : «Si nous partons, demain ce sera Bahrain, UAE ou Astana*.»
Cyclisme, un avenir compromis ?
Saisie par les organisateurs, l’Union cycliste internationale (UCI) a confirmé son soutien à IPT, invitée de droit sur les grandes courses grâce à son statut World Tour (1re division). Dans un communiqué, elle a salué « le sang-froid » de la Vuelta, tout en renvoyant la responsabilité de la sécurité au gouvernement espagnol de Pedro Sanchez. L’instance a dénoncé une « contradiction totale avec les valeurs olympiques de rassemblement, de respect mutuel et de paix », allant jusqu’à mettre en doute la capacité de l’Espagne à accueillir de futurs grands rendez-vous. Une critique qui a suscité de vives réactions au sein du peloton et dans la sphère politique.
L’avenir de la discipline est désormais questionné. Le Tour de France, suivi chaque année par des millions de spectateurs, semble particulièrement exposé. Le départ prévu de Barcelone en juillet 2026 nourrit déjà les inquiétudes. ASO, l’organisateur, se garde pour l’instant de tout commentaire. Mais la multiplication des actions, de Naples à Toulouse et jusqu’à Madrid, montre que la contestation dépasse largement le cadre espagnol. À Montréal (Canada), plusieurs centaines de personnes ont aussi protesté dimanche autour du Grand Prix cycliste contre la présence d’IPT. Dans un sport où la proximité avec le public constitue l’ADN, la menace politique et sécuritaire s’impose désormais comme un enjeu central.
Bruno Fraioli (avec AFP)
© SportBusiness.Club – Septembre 2025
(*) Ces trois équipes sont financées en partie par des états : Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Kazakhstan. Sylvain Adam, propriétaire de Israël-Premier Tech est un riche hommes d’affaires.