18 septembre 2025

Temps de lecture : 4 min

Aux mondiaux d’athlétisme, les créateurs de contenu s’invitent en zone mixte

A Tokyo, aux Championnats du monde d’athlétisme, une quinzaine de créateurs de contenus côtoient pour la première fois les journalistes dans la zone mixte. C'est le cas d'une Française.

Dans les travées du Stade National de Tokyo (Japon) où se disputent du 13 au 21 septembre 2025 les Championnats du monde d’athlétisme, la zone mixte concentre l’attention de centaines de journalistes du monde entier. Ce petit monde polyglotte tente de recueillir le plus rapidement possible les réactions des athlètes après leurs performances. Dans cet espace, tout est parfaitement codifié, à commencer par l’ordre de priorité des médias défini… en fonction des droits payés : télévisions et radios sont en tête, suivies des agences et de la presse écrite. Traditionnel.

En zone mixte, travaillent les reporters des principaux médias sportifs de la planète, ainsi que les grands sites internet. Mais il y a de petits nouveaux. Depuis les mondiaux de 2023 en Hongrie, World Athletics, la fédération internationale, organisatrice de l’événement, a décidé d’accueillir aussi dans ce lieu sacré des “créateurs de contenus”. Au Japon, ils sont dix-sept, la plupart des anglo-saxons, à côtoyer les journalistes. Ils interrogent aussi les athlètes et souvent en profitent pour se mettre en scène avec eux. C’est le cas de Mathilde Meurisse, la seule Française accréditée dans cette catégorie.

« J’avais créé un blog sur l’athlétisme après avoir été bénévole lors de nombreuses compétitions et notamment à Liévin», explique-t-elle. La Nordiste a lancé en 2023 un podcast baptisé “Athlètes mondiaux”. C’est grâce à lui que la jeune femme est désormais retenue en tant que créatrice de contenu (“content creator” en anglais) sur différents événements d’athlétisme et voyage de stade en stade.

Mathilde et ses collègues ont été sélectionnés selon des critères précis comme l’explique Zacharias Vailakis, directeur des opérations médias au sein de World Athletics : « Nous avons eu beaucoup de demandes de médias qui eux aussi ont décidé de se transformer en créateurs de contenu, comme les agences AP ou Reuters, explique le responsable. Il y a aussi de nombreux photographes qui estiment entrer dans cette catégorie parce qu’ils ont leur propre média. Mais nous avons décidé de nous limiter à des personnalités indépendantes diffusant essentiellement leurs productions sur Instagram, TikTok ou Youtube. »

Polyglotte et multicarte

« J’avais remarqué qu’il n’y avait pas de podcast francophone généraliste sur l’athlé, confie Mathilde Meurisse. Comme j’avais tissé des liens avec des athlètes lors de mes expériences de bénévolat, j’ai décidé de me lancer. J’ai eu beaucoup de chance : un des premiers à avoir accepté de participer à mon podcast a été Mondo Duplantis ».  Difficile en effet de trouver meilleur ambassadeur que le perchiste suédois qui enquille les records et les titres mondiaux et olympiques. La jeune française possède un atout : elle parle suédois couramment, comme d’ailleurs l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien… et un peu de grec !

Justement, ses notions de langue hellénique lui ont permis d’être bien vue par Zacharias Vailakis, Grec de nationalité. « Nous avons sélectionné dix-sept créateurs de contenus à Tokyo, explique le responsable. Mathilde fait un excellent travail. Elle est très respectueuse des athlètes ». Diplomate, Mathilde Meurisse cumule aussi sa passion pour l’athlétisme avec deux autres métiers : traductrice et prof de langues à distance. Les retombées financières d’Instagram ou de TikTok ne suffisent pas à faire bouillir la marmite.

La créatrice de contenu, qui finance entièrement ses déplacements de sa poche, comme un journaliste pigiste, ne cache pas être toujours à la recherche de financements. « J’ai lancé une cagnotte sur mon site, indique-t-elle. Mais ce n’est pas trop dans la mentalité française de payer pour ce type de contenus ». Avant d’ajouter en souriant : « Je cherche des sponsors ». Sans parrain, la contrepartie est une certaine liberté : elle peut inviter les athlètes sans la moindre ingérence de tel ou tel équipementier. Pour l’instant.

A Tokyo, installée dans la zone mixte où les athlètes viennent s’épancher, ou pas, à l’issue de leurs prestations sur le stade, Mathilde Meurisse enregistre, tourne, monte et sous-titre elle-même ses vidéos. Le rythme est intense et les horaires à rallonge du matin tôt au soir très tard pour les finales ou quand vient à son micro un bavard comme Jimmy Gressier, sacré champion du monde du 10 000 mètres et intarissable.

Cohabitation sensible en zone mixte

Concernant les vidéos, les créateurs de contenu sont soumis à un “code d’honneur”, un document qu’ils doivent signer en amont. Pour des problèmes de droits, détenus par les télévisions, il leur est interdit de tourner la moindre vidéo dans l’aire de compétition. Seules la zone mixte et la salle de presse leur sont autorisées. Toutefois, le cadre n’est pas très clair. Le directeur des opérations médias de World Athletics avoue ne pas savoir s’il est possible de tourner avec des fans en tribune : « J’aurais tendance à dire non ».

Dans la zone mixte de Tokyo la cohabitation entre journalistes traditionnels et créateurs de contenus semble bien se passer. Mathilde Meurisse n’a pas de carte de presse et on la sent très respectueuse avec ses voisins journalistes. Pour le responsable presse de World Athletics il était essentiel de bien séparer la zone des médias de celle des “Instagrammeurs” : « On s’est rendu compte que certains journalistes étaient très agacés de cette concurrence nouvelle et notamment du fait que certains athlètes refusaient de s’exprimer devant la presse mais qu’ils acceptaient de le faire devant des créateurs de contenus ».

Le sujet est brûlant et concerne la plupart des organisateurs d’événements sportifs. Le Comité International Olympique (CIO) observe le phénomène avec attention. La jeune française et ses collègues venus des Etats-Unis, Grande Bretagne et même du Nigéria font figure de pionniers et symbolisent l’incroyable révolution perpétuelle des médias.

Bruno Cuaz, correspondance spéciale à Tokyo (Japon)
© SportBusiness.Club – Septembre 2025

Mathilde Meurisse (“Athlètes mondiaux”)

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