Interview. Canal+ diffuse à compter de lundi 18 mars 2024 une nouvelle série baptisée La Fièvre dont l’univers du football professionnel est une des trames du scénario. Directeur de la création originale chez Canal+, Olivier Bibas estime que le sport est un bon support de narration pour une fiction. Mais le dirigeant attend l’arrivée d’un beau projet.
Le sport est-il un bon matériel pour une série ?
Olivier Bibas : « Oui, d’autant plus que chez Canal+ c’est une culture : le sport y est hyper important. Nous sommes toujours dans le fantasme d’une grande série sportive qui a pas encore existé en France et que l’on voudrait trouver. Dans La Fièvre, le sport est présent mais, en fait, il est une sorte d’alibi pour parler de politique et de société de façon plus large. En même temps, le sport rassemble aussi et donc, thématiquement, il a un rôle très important dans cette série. Effectivement, pour nous, le sport est important. C’est un terrain d’enjeux très fort, et naturel pour nous. Nous serions très heureux d’avoir un jour cette grande série sportive sur Canal+. Ça serait chouette ».
Vous évoquez une série de fiction. Ce qui fonctionne aujourd’hui, ce sont les séries documentaires sur le sport. Pourquoi n’est-ce pas le même modèle d’expression ?
O.B. : « Fondamentalement, notre terrain c’est la fiction. C’est aussi le cas pour le sport. Cela passerait par le réel d’une certaine façon. Nous aimons beaucoup montrer dans la fiction une facette du réel. Ce qui nous intéresse, c’est de montrer un état de la France ou du monde d’aujourd’hui. C’est aussi être complexe, original, en fait avoir une certaine acuité par rapport au monde dans lequel on vit aujourd’hui. Notre outil pour cela, c’est la fiction. Dans les projets que nous recevons, il y a des documentaires, mais quand c’est une chronique ou une reconstitution chronologique, nous n’y allons pas. Ce qui nous intéresse, c’est un angle, une spécificité, une originalité pour adresser une thématique particulière, comme là avec le sport par exemple »
Si le sport est un bon support de narration pourquoi est-ce difficile de trouver un bon sujet de fiction ?
O.B. : « Attention, cela ne veut pas dire qu’on ne le trouvera pas. En l’occurrence, la question, c’est de trouver l’auteur, le talent qui pourra s’attacher à utiliser cette matière du réel qu’est le sport. C’est un matériau absolument formidable avec des talents incroyables. Le sport c’est aussi une facette de la société d’aujourd’hui. Je pense que tout est possible pour pouvoir faire une série autour du sport, mais la question aujourd’hui, c’est de savoir par qui elle sera incarnée : quel talent, quel angle nous iront chercher sur une discipline particulière ».
La contrainte de l’univers du sport n’est-il pas d’avoir un image trop segmentante ?
O.B. : «Oui, forcément le sport est un peu segmentant, mais en même temps il est rassembleur. La finale de la Coupe du monde de football est regardée par plus de 20 millions de personnes. C’est fondamentalement quelque chose qui nous rassemble. Il a aussi des vertus formidables comme l’aspect collectif du football, par exemple. Il y a des choses qui fondamentalement nous rassemblent. D’ailleurs, c’est assez intéressant dans La Fièvre de voir que l’équipe de France a été pris comme rempart ultime. Elle est intouchable, presque mythique. C’est à la fois du sport mais aussi mythologiquement attaché à ce qu’est la France. En fait, je ne pense pas qu’une série soit vraiment segmentante. En l’occurrence, on pourrait penser que La Fièvre l’est peut être, mais on y parle de la société dans une dimension très large. Cela peut plaire à des gens très très différents. En tout cas beaucoup peuvent s’y retrouver. Si j’étais dans les clichés, on irait chercher quelque chose “plutôt masculin” ou “plutôt âgé”. Cette fiction montre que l’on peut dépasser ces segmentations. Nous ne raisonnons pas en termes de segmentation mais en qualité du projet et de ce qu’il donne à voir et apprendre ».
Entretien : Bruno Fraioli
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