26 octobre 2025

Temps de lecture : 4 min

Comment Macif a accompagné Charlie Dalin dans sa maladie

Interview. Le directeur du sponsoring de Macif, Jean-Marc Simon, revient sur la manière dont l’entreprise a appris la maladie de Charlie Dalin, puis accompagné le skipper, tout en devant faire des choix sur sa stratégie d'investissement dans le sport.

La révélation de la maladie de Charlie Dalin a profondément touché le monde de la course au large. Le dernier vainqueur du Vendée Globe a affronté le cancer en silence, poursuivant son rêve de marin tout en menant un combat bien plus intime. Depuis plusieurs mois, il est éloigné des pontons, le temps de se soigner.

Son partenaire historique, Macif, a choisi de continuer à faire vivre son programme voile, tout en restant fidèle à son skipper. C’est désormais le Britannique Sam Goodchild qui a pris la barre de l’Imoca aux couleurs de l’assureur. Il dispute la Transat Café l’Or dont le départ a été donné dimanche 26 octobre 2025, du Havre (Seine-Maritime).

C’est justement non loin du bassin Paul-Vatine, où les bateaux s’apprêtaient à larguer les amarres, que Jean-Marc Simon, directeur Santé-Prévoyance de la Macif et responsable du sponsoring, est revenu pour SportBusiness.Club sur ces mois où l’émotion s’est mêlée à la raison. Entre l’inquiétude pour un homme et les responsabilités d’une entreprise engagée dans un projet stratégique à long terme, il raconte comment la Macif a dû trouver l’équilibre entre fidélité, pudeur et continuité.

Quand avez-vous été informé de la gravité de la maladie de Charlie Dalin et comment avez-vous réagi en tant que sponsor ?

Jean-Marc Simon : « En fait, cela s’est passé en deux temps. Le premier, c’était il y a deux ans, quelques jours avant le départ de la Transat Jacques Vabre 2023. Comme Charlie le raconte dans son livre, il nous annonce qu’on vient de lui détecter une grosseur dans le ventre, et qu’il ne peut donc plus prendre le départ. Il doit passer des examens complémentaires et l’on comprend vite que c’est sérieux. Notre premier réflexe est de lui dire que nous restons à ses côtés. Mais, en raison des règles de qualification au Vendée Globe, il devait au moins prendre le départ de la Transat, ce qu’il a fait, avant d’abandonner quelques minutes plus tard. À ce moment-là, nous n’en savions pas davantage. Nous savions seulement qu’il était pris en charge médicalement, ce qui était rassurant. Quant à sa maladie, il n’en parlait pas ».

Mais, en tant qu’employeur, vous ne pouviez pas lever le secret médical. Même pour un collaborateur skipper ?

J.-M.S. : « D’abord, Macif n’est pas l’employeur de Charlie. Il a un statut d’indépendant et un contrat de prestataire. Il ne s’est jamais mis en arrêt maladie à proprement parler et a continué à travailler malgré sa pathologie, jusqu’à son opération après le Vendée Globe. Son équipe n’a rien remarqué : il n’a parlé à personne de ses problèmes de santé. Nous savions seulement qu’il était bien accompagné par les médecins et qu’il n’existait aucune contre-indication à sa participation au Vendée Globe ».

Au départ du Vendée Globe, Macif était donc informé de sa maladie ?

J.-M.S. : « Oui. Nous savions qu’il avait une tumeur traitée afin de réduire sa taille en vue d’une ablation après le Vendée Globe. Nous n’en savions pas plus ».

Comment réagissez-vous chez Macif ? Il y a l’aspect humain, mais aussi un enjeu économique.

J.-M.S. : « Effectivement, mais à ce moment-là, la question ne se posait pas. Avant le Vendée Globe, Charlie était pris en charge, suivait son traitement, et cela ne se voyait ni sur son physique ni sur sa disponibilité. Il assumait parfaitement ses obligations de skipper et de représentant de la marque. Il a totalement maîtrisé cette phase-là de la maladie. Ce n’est qu’à son retour, après l’ablation de la tumeur fin février, que les choses ont changé. L’opération ne s’est pas déroulée comme prévu. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais nous avons compris que la situation était bien plus grave. Charlie a dû suivre un traitement plus lourd, qui l’a mis hors d’état d’exercer son métier ».

En tant qu’assureur, auriez-vous pu lui interdire de naviguer ?

J.-M.S. : « Non. Cette décision lui appartenait. Et c’est mal connaître Charlie que d’imaginer que quelqu’un, même son sponsor, puisse l’en dissuader. Ce n’était pas notre rôle. D’ailleurs, son médecin l’encourageait à continuer. »

N’y avait-il pas un risque pour l’image de Macif ?

J.-M.S. : « Il ne s’est rien passé et Charlie a gagné le Vendée Globe. S’il était arrivé quelque chose, nous l’aurions assumé collectivement. Dès lors que notre skipper dit : “J’y vais, je suis en capacité, tout est validé médicalement”, que pouvions-nous faire ? On sait que, face à ce type de maladie, se projeter positivement aide à tenir. Pour Charlie, cela passait par son rêve : remporter le Vendée Globe ».

Jean-Marc Simon (Macif) Octobre 2024

Au printemps 2025, la situation change. Comment décidez-vous de la suite du programme ?

J.-M.S. : « À ce moment-là, on comprend qu’il sera absent longtemps. Peut-être même qu’il ne reviendra pas comme skipper. Fin avril, il espérait encore courir en juin, mais cela n’a pas été possible. Nous avions alors deux options : mettre le programme en pause ou continuer. Nous avons choisi la deuxième voie, dans l’intérêt de la marque et en cohérence avec notre stratégie. Derrière Charlie, il y a toute une équipe, notamment chez Mer Concept, qui gère le projet. Par respect pour eux et pour Charlie, il était impensable de vivre une année blanche. Nous en avons parlé avec lui : il a compris et proposé plusieurs noms de remplaçants, dont celui de Sam Goodchild. C’est finalement Macif qui a pris la décision ».

Arrêter aurait-il été contraire à votre image d’assureur solidaire ?

J.-M.S. : « Peut-être. Mais à ce moment-là, nous ne pouvions rien dire publiquement. C’était à Charlie d’en parler, pas à nous. Il avait choisi de le faire dans un livre prévu fin septembre. La difficulté était donc de travailler sur la suite du programme tout en sachant qu’il était très malade, sans pouvoir l’évoquer. En juillet, Charlie m’a confié qu’il ne pourrait pas participer au Vendée Globe 2028. Ce fut un moment très dur. Le programme devait initialement s’achever après la Route du Rhum 2026. Fallait-il tout arrêter ? Nous avons préféré poursuivre avec Sam Goodchild, tout en associant Charlie à la construction du nouveau bateau. L’espoir, c’est de le revoir naviguer en double à partir de 2027 ».

Macif aide-t-il Charlie Dalin au-delà du contrat de partenariat sportif ?

J.-M.S. : « Oui, nous sommes à ses côtés, mais je ne peux pas en dire davantage car cela relève de la relation entre Macif et Charlie. Il faut comprendre qu’un sportif indépendant pense rarement à sa prévoyance ou à sa protection. Nous, nous sommes aussi présents sur ce terrain-là. Et Charlie en avait besoin ».

Entretien : Bruno Fraioli, au Havre (Seine-Maritime)
© SportBusiness.Club – Octobre 2025

Charlie Dalin a révélé dans un livre son combat silencieux contre le cancer, mené tout en remportant le Vendée Globe. Un récit pudique et courageux où le skipper partage, pour la première fois, les mois de lutte dissimulés derrière son exploit en mer. La force du destin (Editions Gallimard)

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