Le Rwanda espère devenir le “hub” du sport africain
Le Rwanda a vibré pour les Mondiaux de cyclisme 2025. Bien plus qu’une compétition, l’événement qui fait la fierté des habitants sert de tremplin à la stratégie d’influence sportive et touristique du pays.
A Kigali, dans les rues, les cafés ou sur le bord du circuit des championnats du monde de cyclisme sur route, une petite phrase revient souvent : « Icyo ni ishema ryacu ». En kinyarwanda, cela signifie : « C’est notre fierté ». Les Rwandais sont fiers de ces Mondiaux qu’ils organisent du 21 au 28 septembre 2025. Fiers, car l’événement dépasse le simple aspect sportif. Le petit pays d’Afrique s’est offert une vitrine planétaire, une occasion d’afficher une image d’unité et d’ambitions.
« L’opportunité est immense » estime Nelly Mukazayire, ministre des Sports du Rwanda interrogée par SportBusiness.Club. « Le sport est un facteur de développement social et économique avec un impact déterminant, poursuit-elle. Cet événement est une source d’apprentissage et de montée en compétence pour le Rwanda ».
La ministre met en avant la mobilisation de la population rwandaise. « Ces mondiaux ont généré un nombre d’emplois conséquent : 350 volontaires ont été recrutés, explique t-elle. L’aspect marketing n’est évidemment pas à négliger. Cet événement est une vitrine incroyable pour notre destination touristique. Les médias sont présents en nombre, les images des courses sont diffusées dans 124 pays et touchent plus de 300 millions de personnes dans le monde ».
Une organisation saluée
Durant plus d’une semaine, les rues de la capitale rwandaise ont vibré au rythme des coups de pédales donnés par les champions. Les écoles de Kigali étaient même fermées pour permettre aux enfants d’y assister. A l’approche du rendez-vous, les sceptiques étaient nombreux : mais les doutes sur la capacité du Rwanda à mener à bien l’organisation d’un événement planétaire d’une telle ampleur se sont dissipés.
Avec l’appui d’acteurs expérimentés comme Amaury Sport Organisation (ASO), les dirigeants sportifs rwandais ont relevé le défi et convaincu, selon David Lappartient, le président réélu de l’Union Cycliste Internationale (UCI) : « Les observateurs ne savaient pas à quoi s’attendre, lâche le Français. Finalement les retours sont excellents. C’est notamment le cas sur les volets organisation et sécurité où tout a été à la perfection ».
Ces Mondiaux de cyclisme devraient être la première pierre de la stratégie de rayonnement sportif du Rwanda à travers le sport. Le petit pays de 14 millions d’habitants, qui communique déjà avec sa marque Visit Rwanda dans le football, s’est ainsi officiellement positionné sur l’organisation d’un Grand Prix de Formule 1 ces prochaines années. D’autres candidatures pourraient suivre. Les dirigeants locaux ne veulent rien s’interdire.
Ligne de départ
« Le Rwanda veut se positionner comme un hub global du sport autour de trois points, explique Nelly Mukazayire, Le premier concerne le développement des talents. Le deuxième est le développement des infrastructures. Le dernier repose sur l’écosystème du sport.Le sport business est d’ailleurs une industrie qui se développe à vitesse grand V et l’Afrique ne doit pas être laissée pour compte. Nous devons être à l’écoute des opportunités et être prêts à les saisir ».
Ces enjeux dépassent les frontières rwandaises. Les championnats du monde de cyclisme devraient ouvrir la porte à l’accueil d’autres grands événements sportifs internationaux sur le continent qui n’a connu qu’une Coupe du monde de football en Afrique-du-Sud. « Cet événement, au Rwanda, va aider tout le continent à se développer avec de nouveaux investissements, espère le cycliste érythréen Biniam Ghirmay. Il faut multiplier les événements sur le continent pour créer une génération de champions ».
Cet avis est partagé par David Lappartient : « Les mondiaux au Rwanda ne sont certainement pas la ligne d’arrivée de notre stratégie de développement, mais une ligne de départ, assure le président de l’UCI. Le Rwanda, pour ne parler que de ce pays, a tout pour accueillir d’autres championnats du monde de cyclisme. De gravel ou même de Mountain Bike. Je souhaite qu’il y aient des événements partout en Afrique et dans le monde ».
Union africaine
Grâce aux Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) à Dakar (Sénégal) en 2026 et à la Coupe du Monde masculine de football 2030, qui se déroulera en partie au Maroc, l’Afrique prend le virage des grands événements sportifs internationaux. « Je suis extrêmement fier du développement et de l’attractivité de l’Afrique, s’enthousiaste la ministre des sports rwandaise. Nous croyons qu’en unifiant nos efforts, nous allons offrir des opportunités à nos jeunesses. La jeune génération pourra ainsi rester en Afrique et contribuer à faire grandir le continent. Jamais le Rwanda ne sera en concurrence avec les autres pays africains. Nous sommes tous complémentaires ».
L’expérience engrangée sur ces championnats du monde va permettre au Rwanda d’aider les autres pays. « Des représentants des JOJ de Dakar 2026 sont venus observer notre organisation, raconte Ndayishimiye Samson, président de la fédération rwandaise de cyclisme (FERWACY). Nous sommes prêts à partager l’expertise acquise ». Dans cette dynamique d’ouverture et pour faciliter l’accès au Rwanda, les autorités ont par ailleurs décidé il y a quelques mois d’abolir le visa pour les séjours de moins de 30 jours. Le gouvernement rwandais pousse maintenant ses voisins à l’imiter afin de fluidifier les connexions entre les pays africains.
Visit Rwanda
Hors du continent, la stratégie est bien rodée. Depuis plusieurs années maintenant, la marque nationale de promotion touristique lancée en 2018, Visit Rwanda, s’affiche sur les maillots des footballeurs d’Arsenal et du Paris Saint-Germain. Critiqués en raison d’un contexte géopolitique tendu, ces accords commerciaux permettent au Rwanda de « bénéficier d’un canal d’information très large,» se targue Sheja Vallière, Chief of Strategy & Communications Officer du RDB (Rwanda Development Board). « Grâce à la densité de l’aura et l’audience de ces clubs, nous pouvons toucher une cible très intéressante,» observe t-il
L’ensemble de ces initiatives peut traduire l’ambition dévorante du Rwanda à se développer sur la scène du sport international. Le pays aux mille collines entend porter la voix de tout un continent. L’Afrique ne veut plus seulement participer aux grands événements, elle veut désormais en accueillir pour rayonner et générer des retombées d’envergure. Plusieurs projets seraient dans les cartons, signe qu’une dynamique est enclenchée. Le Rwanda et l’Afrique veulent jouer dans la cour des grands.